L'auto-édition en question(s)

L'ARL PACA vient de publier un dossier très complet sur l'auto-édition, ce phénomène  amplifié par la multiplication des plateformes d'auto-édition en ligne – bouleverse le paysage éditorial et reste difficile à appréhender pour les institutions et les professionnels de la chaîne du livre. Plutôt que d'en questionner la légitimité, ce dossier invite à observer – à travers représentations, pratiques et témoignages – l'auto-édition en tant que phénomène complexe et protéiforme. Il donne notamment la parole aux auteurs auto-édités et aux prestataires de l'auto-édition.

Comme en témoignent les données de l'Observatoire du dépôt légal, l'auto-édition ne cesse de gagner du terrain : en 2019, elle représente 5,8 % des dépôts et 29 % des déposants. De l'auteur auto-édité qui finit par publier d'autres auteurs, à l'éditeur qui diversifie ses activités en devenant prestataire de services pour les auteurs auto-édités, les frontières entre édition traditionnelle et auto-édition ont tendance à se brouiller…

L'auto-édition dans le paysage éditorial

De l'auto-édition à l'édition à compte d'éditeur, plusieurs possibilités existent pour l'auteur qui souhaite être publié. Chaque type d'édition présente des spécificités : origine du financement, présence d'un éditeur (ou pas), cession des droits d'auteur (ou pas), diffusion et communication... Dans la pratique, les usages sont aussi multiples que difficiles à catégoriser.

  • L'AUTO-ÉDITION
    L'auto-audition consiste pour un auteur à être son propre éditeur, c'est-à-dire à prendre en charge l'édition de son livre sans passer par l'intermédiaire d'un éditeur.
  • L'ÉDITION À COMPTE D'AUTEUR
    L'auteur peut rémunérer un éditeur pour qu'il fabrique des exemplaires de son œuvre (ou la réalise sous une forme numérique) et en assure la publication et la diffusion. C'est ce que l'on appelle l'édition "à compte d'auteur".
  • L'ÉDITION À COMPTE D'ÉDITEUR
    L'édition à compte d'éditeur consiste pour l'auteur à céder ses droits patrimoniaux à une maison d'édition qui va se charger de la fabrication et de la diffusion de l'œuvre. L'auteur et l'éditeur signent alors un contrat d'édition.
  • L'ÉDITION DE COMPTE À DEMI
    Dans l'édition de compte à demi, l'auteur et l'éditeur sont les associés d'une société dite "en participation" : ils s'engagent réciproquement à partager les bénéfices tout comme les pertes d'exploitation.

Droits, statut fiscal, forme juridique... qu'en est-il pour les auto-édités ?

À la fois auteur et éditeur, l'auteur auto-édité a un double rôle qui rend son activité complexe et bien difficile à définir. D'ailleurs, il n'existe aucun statut officiel pour les auto-édités. Un vide juridique donc… et souvent un casse-tête !

  • DROITS MORAUX ET PATRIMONIAUX
    L'auto-édition n'est ni définie, ni règlementée dans le Code de propriété intellectuelle. Cependant, l'auteur auto-édité bénéficie comme n'importe quel auteur des dispositions du Code de propriété intellectuelle et jouit donc sur son œuvre, du seul fait de sa création, de droits moraux et patrimoniaux.
  • STATUT JURIDIQUE : LA QUESTION PIÈGE !
    À l'heure actuelle, Il n'existe pas de régime propre à l'auto-édition. L'auteur auto-édité exerce cette activité selon les statuts de droit commun, et peut donc :
    • exercer en tant qu'entrepreneur individuel
    • créer une société
    • créer une association
  • STATUT FISCAL
    La difficulté réside ici dans le fait que l'auteur auto-édité est à la fois un écrivain qui crée des œuvres littéraires (activité libérale) et un éditeur qui vend un produit (activité commerciale). Il n'existe pas de régime type pour l'auteur auto-édité, même si l'administration fiscale a tendance à considérer que l'auteur qui assure l'édition et la vente de ses œuvres est imposable dans la catégorie des BNC pour l'ensemble des profits qu'il réalise.

    Chaque situation étant différente, il est conseillé aux auteurs auto-édités de se rapprocher de leur centre des impôts ou de consulter un expert comptable pour connaître plus précisément les démarches à effectuer.
  • UN RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE QUI RESTE À INVENTER
    Les activités artistiques réalisées dans le cadre de l'auto-édition ne relèvent pas du régime des artistes-auteurs. En effet, ce régime est réservé aux auteurs qui perçoivent des droits d'auteurs, c'est-à-dire des revenus versés par l'éditeur en contrepartie de la cession des droits sur l'œuvre prévue dans le contrat d'édition.En principe, l'auteur auto-édité ne relève pas de l'Agessa (l'Association pour la Gestion de la Sécurité sociale des Auteurs) ni de l'Urssaf du Limousin, mais de la Sécurité sociale pour les indépendants.

    Ici encore, au regard de la diversité des situations, chaque auteur auto-édité est invité à s'informer auprès des organismes de Sécurité sociale.

Être un auteur auto-édité, pourquoi ? comment ?

Profils, motivations, pratiques, contraintes, besoins... Afin d'en savoir plus, l'Agence régionale du Livre a adressé en 2019 un questionnaire aux auteurs auto-édités de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur recensés par l'Agence. 304 auteurs auto-édités ont répondu à cette enquête.
Un panel qui comprend :
  • 25 % d'auteurs résidant en Provence-Alpes-Côte d'Azur et 23 % en Île-de-France 
  • environ 60 % d'auteurs âgés de plus de 35 ans
  • 56 % de femmes et 44 % d'hommes
Activités professionnelles
L'écriture n'est généralement pas l'activité principale des auteurs auto-édités, dont les salaires et retraites constituent les principales sources de revenus.
Motivations & pratiques
S'il arrive que l'auto-édition soit un véritable choix (12 % des répondants), le recours à cette pratique fait le plus souvent suite aux refus de publication par les éditeurs.
Avantages & inconvénients
Pour ces auteurs, l'auto-édition présente plusieurs avantages : l'autonomie et la rapidité de publication, mais aussi la possession de l'intégralité des droits d'auteur. Cette forme d'édition répond notamment à un besoin de contrôle de la part des auteurs.
Quant aux inconvénients de l'auto-édition, les auteurs évoquent d'abord le fait de se sentir moins légitimes dans leur statut d'auteur que les auteurs publiés à compte d'éditeur. La difficulté à intégrer largement le réseau des librairies et bibliothèques représente également un inconvénient majeur. Enfin, l'isolement et la masse de travail sont également cités.
Aspects juridiques
Pour publier leurs ouvrages, les auteurs auto-édités font appel aux services de prestataires qui sont généralement des plateformes numériques, sans toujours bien connaître les conditions générales d'utilisation. Par exemple, 57 % affirment ne pas avoir de contrat avec leur prestataire, ou ne pas savoir s'ils en ont un (alors que ces contrats sont généralement inclus dans l'utilisation de la plateforme). Parallèlement se pose la question de la forme juridique, la plupart des auteurs auto-édités ne relevant pas d'une structure juridique (entreprise ou association). Or sans cela, ils ne peuvent légalement pas facturer leurs livres auprès des points de vente. 
A noter que une majorité des auteurs s'étant structurés juridiquement ont choisi la micro-entreprise.
Volume des ventes & diffusion
Par rapport à celui de l'édition traditionnelle, le volume des ventes de livres auto-édités reste minime. Seuls quelques auteurs auto-édités arrivent à tirer leur épingle du jeu en trouvant un lectorat (ventes supérieures ou égales à 5 000 exemplaires, ce qui correspond à la moyenne des ventes de l'édition traditionnelle). Les auteurs sont en revanche gagnants quant aux droits d'auteurs qui leur reviennent : en moyenne, ils sont équivalents à 50 % du prix de vente.
Quant aux lieux de diffusion et de vente, les librairies sont en tête (30 % des répondants) devant les plateformes de vente en ligne (24 %). Viennent ensuite les salons du livre, les réseaux sociaux et les sites personnels des auteurs.
Économie & rentabilité
Environ 45 % des auteurs auto-édités estiment que leur activité est rentable, tandis que 11 % déclarent ne pas savoir si elle l'est.
Ce qui semble compter le plus pour les auteurs auto-édités, c'est de pouvoir publier les textes qui leur tiennent à cœur - et ce quel que soient le prix et la rentabilité de cette activité.

Quelques plateformes d'auto-édition

L'auteur auto-édité a comme particularité d'exercer à la fois l'activité d'auteur et celle d'éditeur. Il doit donc assumer de nombreuses tâches habituellement dévolues à des professionnels du secteur. Pour se faire aider dans les étapes de correction, d'impression, de publication ou de diffusion, il peut faire appel aux services d'une plateforme numérique d'auto-édition.

Les plateformes d'auto-édition ne doivent pas être confondues avec les maisons d'édition. Contrairement à ces dernières, elles ne sont que des prestataires de services et n'ont pas de politique de sélection des livres. Ces plateformes n'offrent pas toutes les mêmes services, les coûts variant en fonction des options choisies par l'auteur. L'opération peut ainsi coûter de quelques dizaines à plusieurs milliers d'euros.
Dans la présentation des services par les plateformes, la formulation gagnerait parfois à être plus explicite. Par exemple, indiquer une "distribution en librairie" n'implique pas que le livre est automatiquement distribué en librairie, mais simplement qu'il peut être commandé par un libraire à un distributeur.
  • BoD (BookonDemand)
  • Bookelis
  • Iggybook
  • Kindle Direct Publishing
  • Libres d'écrire
  • Librinova
  • TheBookEdition

Créée en 2003, l'Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d'Azur (ARL PACA) soutient et valorise le secteur du livre et de la lecture.
Elle s'adresse à l'ensemble des professionnels du domaine : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, associations, collectivités et réseaux.

Ses missions se déclinent autour de 4 axes :

  • Information et observation
  • Formation et accompagnement
  • Coordination de projets innovants et collaboratifs
  • Développement de la lecture