Publié le 30/01/2019

Tanguy Viel, Icebergs #6 "Vaille moi, longue étude !" : la lecture

Depuis le mois de janvier 2015, Ciclic et la librairie Les Temps Modernes vous proposent un rendez-vous mensuel avec l’écrivain Tanguy Viel, autour de son nouveau projet d’écriture. Ce sixième épisode clôt ce premier cycle d'Icebergs.

Jusqu'alors romancier, Tanguy Viel se lancedans un travail plus réflexif sur la littérature. La lecture par l’auteur de ces textes inédits, nous offre l'occasion de suivre “en direct” les différents volets d'une grande enquête en cours. Chaque lecture, de 45 minutes environ, est suivie d'un échange autour d’un verre.

La sixième et dernière lecture de ce premier cycle d'Icebergs, s'est déroulée le jeudi 25 juin à la librairie Les Temps Modernes (Orléans). Pour celles et ceux qui n'ont pu être présents ou qui souhaitent s’y replonger, nous proposons à l'écoute la lecture du texte Icebergs #5 #6 "Vaille moi, longue étude !" en écoute et en téléchargement.

Serait-ce du name-dropping ?, fut la question qu’un auditeur posa ironiquement  à Tanguy Viel à l’issue d’une des lectures de ce cycle.

Et plutôt que de s’en défendre, Tanguy Viel préfère ici, en écho aux pérégrinations en bibliothèques du volume 5, acquiescer et prendre la formule à la lettre, puis à son compte. Oui, il faut nommer. Oui, citer lui importe, et cette collecte-là, au cœur des mots des autres, compte. Car après tout, ce cycle découle, avoue-t-il dans ce sixième épisode, d’un cahier de notes éparses, d’emprunts et de citations chères, tentative dérisoire de reconstitution d’un ordre au cœur de ses lectures.

Ce texte-promenade, tendant plus vers la forme album que vers celle du livre, entreprise hybride, entre diariste et copiste, est un geste de lecture autant que d’écriture. Et ce sixième volet n’y déroge pas, au sein duquel Montaigne et Robert Burton (son noir symétrique auteur d’une incroyable Anatomie de la mélancolie) converseront avec Thomas Bernhard ou Jean-Luc Godard – mais avant tout avec Christine de Pizan, « qui vécut à Paris autour de 1400 et dont on dit qu'elle est en France notre première écrivaine ». Il lui faut les nommer, celles et ceux qui avant lui nommèrent les choses, et particulièrement de Pizan, et avec elle son livre Le chemin de longue étude, « qui raconte la liberté conquise par la voie des livres ».

Car il y a avant tout, pour Tanguy Viel, « (…) là, entre le livre de citations et le journal intime, une fraternité cachée, celle de se vouloir saisir en sa dépossession même (…) ».

Fabuleux tissage, essentiel à l’édification, de l’œuvre comme de soi, car après tout, se demandera-t-il, « peut-être que la vie elle-même ne tient (pour lui) que dans la fabrication du tissu. »

Tanguy Viel, écrivain, est né à Brest en 1973. Il a publié son premier roman, Le Black Note, en 1998 aux Éditions de Minuit. En 2003, il est lauréat de la Villa Médicis et passe un an à Rome avant de venir s'installer près d'Orléans où il vit aujourd'hui. Derniers ouvrages parus : Insoupçonnable, roman, Éditions de Minuit, 2006 ; Paris-Brest, roman, Éditions de Minuit, 2009 ; Cet homme-là, récit, Éditions Desclée de Brouwer, 2009 ; Hitchcock, par exemple, récit, Naïve, 2010 ; La disparition de Jim Sullivan, roman, Éditions de Minuit, 2013



Icebergs est une série de réflexions sur l'écriture, de promenades dans les allées d'une pensée qui tourne et vire, une pensée à vrai dire obsédée par les formes qu'elle peut prendre dont, justement, l'écriture. Cette pensée inquiète se demande surtout comment les autres, tous les autres, ont fait avant elle. Alors elle enquête, elle arpente les rayons des bibliothèques, elle se promène sur internet, elle se renseigne sur la vie des écrivains, elle visite leurs maisons, elle entreprend des voyages, elle regarde des films, elle s'assoit sur un banc – autant de manières pour elle de résoudre l'énigme de son expression rêvée. Mais à force d'ainsi bouger sans cesse, la pensée en question semble à son hôte un monde vraiment instable et sans bords définis. Aussi est-il nécessaire, dans cette plaine liquide, qu'émergent et cristallisent des blocs, parties visibles et flottantes, certes encore à la dérive, mais assez endurcis pour être présentés. De ce point de vue, proposer un rendez-vous mensuel en un lieu qui puisse en accueillir la lecture est une manière pour moi de donner forme à ce qui sans cela risque toujours de se perdre dans l'indéfini.” Tanguy Viel