Publié le 30/01/2019

Tanguy Viel, Icebergs #5 “Vivre avec les serpents” : la lecture

Jusqu'alors romancier, Tanguy Viel se lance aujourd’hui dans un travail plus réflexif sur la littérature. La lecture par l’auteur de ces textes inédits nous offre l'occasion de suivre “en direct” les différents volets d'une grande enquête en cours.

Tanguy Viel, écrivain, est né à Brest en 1973. Il a publié son premier roman, Le Black Note, en 1998 aux Éditions de Minuit. En 2003, il est lauréat de la Villa Médicis et passe un an à Rome avant de venir s'installer près d'Orléans où il vit aujourd'hui. Derniers ouvrages parus : Insoupçonnable, roman, Éditions de Minuit, 2006 ; Paris-Brest, roman, Éditions de Minuit, 2009 ; Cet homme-là, récit, Éditions Desclée de Brouwer, 2009 ; Hitchcock, par exemple, récit, Naïve, 2010 ; La disparition de Jim Sullivan, roman, Éditions de Minuit, 2013.

La cinquième lecture s'est déroulée le mardi 26 mai à la librairie Les Temps Modernes (Orléans). Pour celles et ceux qui n'ont pu être présents ou qui souhaitent s’y replonger, nous proposons à l'écoute la lecture du texte Icebergs #5 "Vivre avec les serpents". 

Cet épisode aurait pu s'appeler "Penser / Classer", du nom d’un  fameux livre de Georges Perec, « scribe assyrien » (comme le surnomme Tanguy Viel affectueusement) qui, s'il n'intervient qu'en toute fin de cet épisode, est un absent très présent, dans ce chapitre essentiellement consacré aux bibliothèques. Et cette discrétion se pose en miroir de la façon de faire de Perec, dont Tanguy Viel suggère aussi qu’il a « passé sa vie à ça, glisser les démons derrière des grilles, inventant une sorte de langage quasi-répressif, à force de méthode et de pudeur ».

Penser, classer nos bibliothèques, et avec elles, nos âmes. Il y a celle, colossale et légendaire, d’Aby Warburg, qui fut sa folie, son réconfort et son œuvre. Il y a aussi celle d’Alexandrie, lieu du traitement de l'âme. Il y a encore ce qu’en affirmait Elias Canetti, qui la considérait comme « la meilleure définition de la patrie ».

La bibliothèque, multiple et universelle, Tanguy Viel la relit depuis son prisme intime, la pensant et classant selon ce qui l’occupe et l’agite : la lutte, impossible et toujours reprise, contre la tenace et angoissante « fuite des idées ».

Ceci pour s’efforcer, inlassable et palpitant, de « donner une forme visibles aux mouvements de l’âme ». De se faire, en somme, « géomètre de l’esprit ».

 

Icebergs est une série de réflexions sur l'écriture, de promenades dans les allées d'une pensée qui tourne et vire, une pensée à vrai dire obsédée par les formes qu'elle peut prendre dont, justement, l'écriture. Cette pensée inquiète se demande surtout comment les autres, tous les autres, ont fait avant elle. Alors elle enquête, elle arpente les rayons des bibliothèques, elle se promène sur internet, elle se renseigne sur la vie des écrivains, elle visite leurs maisons, elle entreprend des voyages, elle regarde des films, elle s'assoit sur un banc – autant de manières pour elle de résoudre l'énigme de son expression rêvée. Mais à force d'ainsi bouger sans cesse, la pensée en question semble à son hôte un monde vraiment instable et sans bords définis. Aussi est-il nécessaire, dans cette plaine liquide, qu'émergent et cristallisent des blocs, parties visibles et flottantes, certes encore à la dérive, mais assez endurcis pour être présentés. De ce point de vue, proposer un rendez-vous mensuel en un lieu qui puisse en accueillir la lecture est une manière pour moi de donner forme à ce qui sans cela risque toujours de se perdre dans l'indéfini.” Tanguy Viel