Publié le 30/01/2019

Tanguy Viel, Icebergs #4 “Visions” : la lecture

Jusqu'alors romancier, Tanguy Viel se lance aujourd’hui dans un travail plus réflexif sur la littérature. La lecture par l’auteur de ces textes inédits nous offre l'occasion de suivre “en direct” les différents volets d'une grande enquête en cours.

Tanguy Viel, écrivain, est né à Brest en 1973. Il a publié son premier roman, Le Black Note, en 1998 aux Éditions de Minuit. En 2003, il est lauréat de la Villa Médicis et passe un an à Rome avant de venir s'installer près d'Orléans où il vit aujourd'hui. Derniers ouvrages parus : Insoupçonnable, roman, Éditions de Minuit, 2006 ; Paris-Brest, roman, Éditions de Minuit, 2009 ; Cet homme-là, récit, Éditions Desclée de Brouwer, 2009 ; Hitchcock, par exemple, récit, Naïve, 2010 ; La disparition de Jim Sullivan, roman, Éditions de Minuit, 2013.

La quatrième lecture s'est déroulée le mardi 21 avril à la librairie Les Temps Modernes (Orléans). Pour celles et ceux qui n'ont pu être présents ou qui souhaitent s’y replonger, nous proposons à l'écoute la lecture du texte Icebergs #4 "Visions". 

« C'est que l'échelle à l'intérieur de soi n'est pas du tout la même qu'à l'extérieur. A l'intérieur, ce sont les lois célestes qui régissent les idées. A l'extérieur, c'est plutôt de la physique nucléaire. » Ce mouvement, presque pendulaire, entre intérieur et extérieur (comme entre grands espaces américains et pages blanches européennes, dans l’épisode précédent), entre unité et dispersion, qui se poursuit à l’échelle du feuilleton ; cette oscillation entre dedans et dehors multiples, s’est intensifiée dans cet épisode. Tanguy Viel, questionnant sa propre propension à ne pas entamer (et moins encore finir) certains chantiers d’écriture lorsqu’il en il a fait l’annonce à autrui, continue sa promenade, entre les monticules impossibles du facteur cheval et le Paradis de Dante, entre « poétique » et « psychologie » (les guillemets sont de lui), entre l’ouvrage du tailleur et celui du maçon. « Il faudrait réfléchir sérieusement à la question, il faudrait prendre un temps pour entrevoir, chez chaque écrivain, chaque artiste, ou bien ce qu'il a de drap ou bien ce qu'il a de pierre, en durcissant pour l'exercice ces deux tendances supposées de l'esprit. » C’est ce qu’il fait en ce quatrième volet d’une promenade qu’on se réjouit de continuer à ses côtés. 

Icebergs est une série de réflexions sur l'écriture, de promenades dans les allées d'une pensée qui tourne et vire, une pensée à vrai dire obsédée par les formes qu'elle peut prendre dont, justement, l'écriture. Cette pensée inquiète se demande surtout comment les autres, tous les autres, ont fait avant elle. Alors elle enquête, elle arpente les rayons des bibliothèques, elle se promène sur internet, elle se renseigne sur la vie des écrivains, elle visite leurs maisons, elle entreprend des voyages, elle regarde des films, elle s'assoit sur un banc – autant de manières pour elle de résoudre l'énigme de son expression rêvée. Mais à force d'ainsi bouger sans cesse, la pensée en question semble à son hôte un monde vraiment instable et sans bords définis. Aussi est-il nécessaire, dans cette plaine liquide, qu'émergent et cristallisent des blocs, parties visibles et flottantes, certes encore à la dérive, mais assez endurcis pour être présentés. De ce point de vue, proposer un rendez-vous mensuel en un lieu qui puisse en accueillir la lecture est une manière pour moi de donner forme à ce qui sans cela risque toujours de se perdre dans l'indéfini.” Tanguy Viel