Publié le 23/06/2020

« Proposer des livres en drive, une solution ? »

À l'occasion du dossier Livre #31 : Lumière sur… les acteurs du livre face à la pandémie découvrez ici le témoignage de Marie-Jeanne Boistard, directrice des bibliothèques d'Agglopolys à Blois (41) 

A quoi ressemble une bibliothèque confinée ? A un trésor confisqué. En dépit de la crise sanitaire et de leur fermeture, ces lieux de lecture, de savoir et de partage ont néanmoins poursuivi leur mission. Et notamment à Blois. Marie-Jeanne Boistard est directrice des bibliothèques d'Agglopolys qui regroupent trois lieux différents : la bibliothèque Abbé-Grégoire en plein centre ville, la plus importante du réseau qui concentre les deux tiers des activités, la médiathèque Maurice-Genevoix située en zone à urbaniser en priorité à forte fonction de proximité, et la médiathèque de Veuzain, située en milieu rural, à 20 km de Blois, lieu de sociabilité local qui travaille avec les écoles présentes dans son périmètre immédiat. Les trois structures ont un rôle d’action culturelle et de médiation sociale très prégnant. Un rôle à réinventer en temps de confinement. 

Pour poursuivre ce lien, les bibliothèques ont beaucoup communiqué sur les services à distance : la sitothèque qui regroupe une liste de liens vers des sites Internet proposant des contenus éducatifs et divertissants, les ressources en films, livres, presse, didacticiels ordinairement proposées aux abonnés et renforcées pour la circonstance, mais aussi des actions culturelles dématérialisées. Ainsi, pendant plusieurs semaines, l’autrice Lou Sarabadzic a mené des expériences d’écritures virtuelles. Les ateliers, menés sur un groupe Facebook et un blog créés pour l’occasion, ont porté sur l’écriture d’une fiction autour d’une magicienne puis d’une pièce de théâtre. 160 personnes décidaient chaque jour de l’orientation à donner à ces œuvres collaboratives. De même, les amateurs de manga disposent de tutoriels pour réaliser leurs dessins et participer ainsi à une exposition qui sera visible, si tout se passe bien, courant octobre à la médiathèque Maurice-Genevoix. 

Puis, avec la réouverture progressive des bibliothèques à compter du 18 mai, un drive a été mis en place. Un vrai casse-tête selon Marie-Jeanne Boistard : « nous n’avons pas, pour l'instant, de fonction réservation de documents disponibles sur nos sites, et les fournisseurs de logiciels ont été pris d’assaut, nous attendons cette fonctionnalité pour fin mai. Tout se passe donc, pour commencer, par mail voire par téléphone. » L’avantage est de pouvoir formuler des demandes imprécises – je cherche des livres pour mes enfants de 3, 6 et 13 ans par exemple – ce qui permet aux bibliothécaires de poursuivre leur mission de conseil. Lorsque les livres sont prêts, un mail est alors envoyé. L’opération est rendue compliquée par la « quarantaine » imposée sur les livres : ces derniers doivent  rester en attente pendant dix jours. Pour l’heure, Marie-Jeanne Boistard ne sait pas quand et dans quelles conditions les bibliothèques pourront rouvrir. Elle suppose que certains auront peur de revenir, et craint de perdre en convivialité. 

Quant au drive, il en ressort une expérience contrastée. Les uns redoutent, avec la dématérialisation, une perte en compétence. D’autres y voient une solution pour un public qui, en temps ordinaire, n’a pas le temps de se rendre en bibliothèque. Selon Marie-Jeanne Boistard, « les aspects dématérialisés de l'offre de service des bibliothèques ont prouvé leur intérêt incontestable, leur adaptabilité. Pour autant, ce qui manquait, les services concrets, sur site, la médiation, la découverte d'une collection dans l'espace d'un site, la présence physique à une rencontre et les échanges, rien de cela n'était remplacé, et à mon avis n'est pas remplaçable. C'est la leçon a contrario de ce que nous avons vécu. Ceux qui prophétisent la disparition des bibliothèques dans des services à distance pour l'avenir ont là un démenti sérieux. » Si la crise sanitaire a révélé d'autres façons de "faire" bibliothèque jusqu'alors inexploitées (ou très peu), elle a surtout conforté le fait que rien ne remplacera son rôle indispensable de lien, d'écoute, de conseil.

[juin 2020, témoignage recueilli par Anne-Sophie Jacques]

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