Lumière sur... la Maison de la BD à Blois

À l'occasion de la 35e édition du festival BD Boum, l'un des plus importants festivals de bande dessinée en France, Ciclic consacre son nouveau dossier à l'association BD Boum, et plus particulièrement à sa Maison de la BD menée par un inénarrable duo composé de Jean-Pierre Baron, président de l'association et Bruno Génini, directeur. Issus du champ social et éducatif, passionnnés de BD, attentifs au monde et soucieux du respect des personnes et des différences, ils ont su allier soutien à la création et interrogations sociales et sociétales, éducation artistique et culturelle et ressources sur la bande dessinée.

Bien situé au cœur de la ville, cet espace de près de 600 m² est à la fois un lieu-ressource, d’expositions et de formations, un lieu ouvert aux groupes scolaires et au grand public... et un lieu d'accueil d'auteurs en résidence. Sandra Émonet a visité pour Ciclic la Maison de la BD, et vous fait découvrir ce lieu unique en Centre-Val de Loire entièrement dédié au neuvième art.

Lumière !

LA MAISON DE LA BD : ENTRÉE LIBRE 


par Sandra Émonet

Pour présenter l’association bd BOUM, structure plus que trentenaire bien connue des habitants de la région et de tous les fans de bande dessinée, j’ai choisi de me rendre à la Maison de la BD à Blois pour y rencontrer l’équipe. Leur site Internet regorge d’informations et d’actualités concernant leurs trois pôles d’activités principaux (l’éducation, la diffusion et le soutien à la création) et témoigne de la forte dimension pédagogique, militante et sociale de l’ensemble de leurs actions… mais comment ses dimensions s’articulent concrètement ? Pour le découvrir, suivez la guide.

En poussant la porte vitrée de l’ancienne Halle Louis XII, où la Maison de la BD est installée au rez-de-chaussée, nous arrivons tout d’abord dans le hall, ouvert sur le bureau d’accueil. Le directeur, Bruno Genini, nous reçoit en nous précisant qu’ici « on croise autant des jeunes de la ZUP que des stars de la bd ». Nous nous repérons rapidement dans les lieux. Une porte ouvre vers l’aile gauche et les bureaux de l’équipe. Face à nous, l’entrée des salles d’exposition tandis qu’à notre droite le large couloir en U permet d’accéder aux espaces pédagogiques puis à l’atelier des auteurs, première étape de notre visite. 

Dans « l’atelier Kraft », cinq auteurs sont attelés sur leurs projets éditoriaux. Bruno Genini inscrit ce lieu de travail dans le contexte plus général de la professionnalisation de la filière. Selon lui, « notre époque est un véritable âge d’or pour le lecteur ». Car depuis une vingtaine d'années, le nombre d’auteurs et d'écoles spécialisées augmentent. On demande toujours plus de polyvalence aux auteurs dans la chaîne éditoriale, et leurs rémunérations sont aléatoires. Souhaitant soutenir et développer la création régionale, l’association bd BOUM a inscrit dans son projet de gestion 2015 de la Maison de la BD, un lieu de travail régulier pour des auteurs confirmés ou en voie de professionnalisation. Cet espace leur permet de nouer des contacts et de tester des idées de publications en bénéficiant d’un regard à la fois critique et bienveillant sur leur travail. En contrepartie, ils s’engagent à animer un stage annuel et à publier un ouvrage dans les deux ans.

En connexion avec l’atelier Kraft, d’autres auteurs sont invités chaque année en résidence de création pour deux à six mois. L’association s’organise pour que ces résidences, qui permettent l’accès au lieu de travail partagé, soient assorties d’une bourse (Ciclic, le CNL, ministère de la culture de Taïwan...) et de la mise à disposition d’un appartement, grâce à une convention avec la Ville de Blois. De manière plus informelle, l’association accueille aussi des auteurs ayant le besoin ponctuel d’un lieu de travail ou d’un logement pour développer un projet spécifique.

Cet accompagnement des auteurs et de la filière de la bande dessinée se traduit également au sein du festival qui, outre la dizaine de prix d’encouragement à la création, promeut le travail d’une centaine d’auteurs invités par des petites maisons d’édition vendant leurs ouvrages en direct… Sans oublier les traditionnelles médailles en chocolat par lesquelles les organisateurs rendent hommage avec gourmandise à des personnalités du neuvième art.  

Mais refermons la porte de cet atelier bouillonnant pour emprunter le grand couloir, aux murs investis d’une autre exposition temporaire. Il nous conduit à l’aile droite de la Maison de la BD, consacrée aux ateliers et aux rencontres entre auteurs et publics. 

Au Centre de ressources de la bande dessinée (CRBD), géré par Bruno Goujon, nous pouvons consulter sur place une sélection de bd, accéder aux valises pédagogiques et découvrir l’ensemble des publications portées par l’association bd BOUM depuis 20 ans. Les premières éditions, dans les années 90, diffusaient des débats liés aux métiers de la bd. À partir des années 2000, bd BOUM a initié des collaborations entre des auteurs et des publics souvent ostracisés afin d’accompagner de vrais débats de société. Diffusées par des éditeurs nationaux, ces ouvrages permettent le partage de témoignages intimes sur la toxicomanie, l’enfermement carcéral, la surdité, l’illettrisme, les sexualités, l’immigration… Depuis 2012, des ouvrages jeunesse offrent également des récits accessibles sur l’autisme, sur l’illettrisme ou sur les étapes de réalisation d’une bd. Cette activité de médiation par le livre trouve un prolongement dans la vingtaine d’expositions proposées à la location grâce à la réserve extérieure dont dispose l’association pour le stockage, l’encadrement des œuvres et la régie scénographique. 

Le centre de ressources est ouvert sur le pôle pédagogique dont l’agrandissement est prévu prochainement. Sous la houlette de Sébastien Duforestel, responsable jeunesse, en lien avec deux enseignants missionnés, la salle informatique et la salle de classe accueillent des modules d’initiation, des ateliers hebdomadaires et des stages encadrés par des auteurs. Structure régionale de référence, l’association bd BOUM organise d’ailleurs en avril, depuis 2018, un grand colloque amené à prendre de l’ampleur sur l’éducation et la bd. Dans la salle polyvalente, une soirée par mois, les rendez-vous « je dis bd » partagent l’actualité de la bande dessinée, invitent à rencontrer des auteurs en résidence lors de tables-rondes, de conférences ou de cafés littéraires thématiques. 

En revenant vers le hall, nous rejoignons les salles d’exposition que Mathilde Landry, responsable des actions culturelles et de la médiation ouvre à tous les publics. Au sein de la première salle une nouvelle exposition thématique, monographique ou jeune public prend place sur les cimaises tous les deux mois environ pour présenter des objets rares, des planches originales et des documents inédits au sein d’une scénographie spécifique. À sa suite, une exposition permanente documente richement l’histoire de la bande dessinée, de ses origines à nos jours. Initiée par l’équipe de bd BOUM avec la complicité de Patrick Gaumer et Erwann Tancé, elle permet de saisir les influences, les ruptures et les révolutions de ce genre artistique selon un fil chronologique déployé dans un contexte international. 

L’aile gauche, occupée par les bureaux des neufs membres permanents de l’équipe. Comme chaque année de septembre à décembre, ils se concentrent sur le festival bd BOUM qui accueillera fin novembre plus de vingt mille visiteurs. Impliquée dans la programmation, la régie, l'administration, la pédagogie, la médiation culturelle… toute l’équipe est en pleine ébullition. Une simple énumération permet de comprendre l’ampleur de ce rendez-vous. Environ 200 auteurs et 70 exposants sont invités au salon du livre. Parallèlement, une quinzaine d’expositions et une vingtaine de soirées sont déployées dans la ville de Blois. La dimension pédagogique, très présente à la Maison de la BD, est totalement intégrée dans le festival avec un programme des formations thématiques et une journée dédiée au public scolaire.

Revenant dans le hall, nous croisons un couple se rendant dans l’exposition et nous saluons, avant de sortir, l’équipe aux bras chargés de cartons, des auteurs partant déjeuner, un groupe de jeunes gens sortant de la salle pédagogique… Nous retrouverons certainement tous ces passionnés, amateurs ou professionnels, lors du prochain festival. Que ce soit lors d’une visite d’exposition, un atelier, une conférence… il est si facile d’échanger ici autour de la belle vitalité du 9e art. Alors, fans de bd ou simples curieux, poussez la porte !

[Sandra Émonet, novembre 2018]

La 35e édition du festival bd BOUM se déroule du 23 au 25 novembre 2018, retrouvez les informations sur le site de la Maison de la BD.

© Moon Li

Maison de la BD © Moon Li

En novembre 1984 la première édition du festival bd BOUM nait à Blois à l’initiative d’un groupe d’amateurs passionnés constitué d’enseignants, de travailleurs sociaux et d’éditeurs de fanzines. Dès la deuxième année, le festival se professionnalise et relève le défi d’installer son salon du livre dans le château de Blois. En 1995 le salon du livre s’établit dans la Halle aux grains tandis que le festival se déploie simultanément dans de toujours plus nombreux lieux blésois. Considéré aujourd’hui comme l’un des principaux rendez-vous de la bd en France, il se distingue toujours par son approche concrète de problématiques sociales actuelles, une dimension pédagogique affirmée et un fort soutien aux auteurs et aux petites maisons d’édition.

C’est dans cet état d’esprit qu’a été renforcé le développement des activités menées à l’année par l’association bd BOUM, auparavant nomades, avec l’ouverture de la maison de la bd en février 2015. S’affirmant comme une structure de proximité ouverte vers l’ensemble de la région et inscrite dans des réseaux professionnels nationaux et internationaux, son ambition est de rendre compatible l’exigence d’un positionnement professionnel à une mission permanente d’éducation populaire.

Contact :
Maison de la BD - bd BOUM
3 rue des Jacobins 41000 BLOIS
Tél. 02 54 42 49 22
bdboum[@]bdboum.com
http://www.bdboum.com/


Spécialisée en art contemporain, Sandra Émonet est autrice et réalisatrice indépendante. Publiant régulièrement des articles, elle a contribué également à plusieurs ouvrages monographiques et réalisé des documentaires sonores et des créations radiophoniques. Parallèlement à cette activité éditoriale, elle a exercé plusieurs fonctions en lien avec la médiation et la diffusion artistique.

Lien(s) utile(s)